"Mémoire réunionnaise de la grande Guerre", c'est sous ce titre que viens de paraître aux éditions du Mahot l'ouvrage de Jacques Dumora recensant de manière exhaustive les Morts pour la France originaires de La Réunion.
Présenté à la presse dans la salle de réception de la Banque de Réunion, puis aux invités de la soirée commémorative du 27 juin au Cinépalmes de Sainte-Marie, l'ouvrage a déjà conquis son public. Il est aujourd'hui disponible dans les librairies de Saint-Denis ou par commandes à l'association.
Il a conquis son public malgré son étrangeté : c'est un livre de listes ! Listes des Morts pour la France établies commune par commune, listes de la localisation des tombes, liste des régiments dans lesquels les soldats réunionnais ont été incorporés, permettant à chacun de se faire une idée du coût en hommes que le guerre de 14-18 a représenté pour la colonie de l'Océan Indien.
Mais ces listes sont parlantes ! Ces listes donnent des informations sur la fonction et le grade du soldat, sur le lieu et la date de la mort, souvent sur sa circonstance. Et le lecteur étonné peut arriver, page après page, à se faire une idée des ravages de la maladie dans les rangs, des conséquences des blessures infligées par l'ennemi. Il peut même rapidement repérer les principaux lieux du carnage, au Nord ou à l'Est de la France, l'Aisne, la Somme, la Marne, mais aussi en Serbie, en Grèce, dans les Dardanelles ou dans les eaux de la Méditerranée.
Le nombre de décès dans les hôpitaux malgaches, de Tamatave, Tananarive ou Diego Suarez, renseigne sur le mauvais état de santé des soldats recrutés à La Réunion.
A côté des tués à l'ennemi, les disparus forment une colonne particulière, celle des jeunes gens partis et comme avalés en entier par la brutalité de la guerre rendue industrielle.
Les récompenses honorifiques livrent également leur témoignage de ce que les différents régiments ont subi, qu'il s'agisse d'une légion d'honneur à titre posthume, comme pour Marie-Joseph d'Armand de Chateauvieux, ou d'une citation à l'Ordre de l'Armée, comme pour Antonio Thomas "Jeune soldat allant au feu pour la première fois. A demandé à être envoyé dans un poste d'écoute tout proche des tranchées allemande le 15 juillet 1915 au moment d'une attaque de nuit très violente. A eu la jambe droite mutilée par des éclats de grenades. Dominant sa souffrance a dit à son commandant : "J'ai fait mon devoir". Est mort pour la France des suites de ses blessures".
Chaque chapitre débute par un portrait, Gaston-Jules Ferrière pour Sainte-Rose, Jacques Damien Boyer pour Cilaos, Joseph Titibali pour La Possession... On rentre alors comme lecteur dans le déroulé de la guerre, le hasard des affectations, les aléas de l'évolution des fronts, les multiples facettes de la violence militaire, armes blanches, balles, obus de petits et gros calibres, grenades, fumigènes, gaz, feu...
"Mémoire réunionnaise de la grande Guerre" comble un vide, et permet à tous, simples amateurs de généalogie, historiens amateurs, citoyens intéressés par le passé de l'île, de poursuivre l'enquête. Nul ne sait encore ce qui a causé la guerre... non qu'il n'y ait pas d'explications mais parce qu'au contraire il y a tant de causes de natures différentes, directes ou indirectes, agissant sur des personnes ou des classes, qu'il est impossible d'isoler une cause prépondérante et que le débat reste ouvert pour réussir à savoir ce qui a accéléré ou n'a pas pu stopper la mobilisation générale puis les déclarations de guerre. Tous les Réunionnais peuvent désormais savoir quel est le compte juste de la tuerie mondiale.
Merci à Jacques pour ce livre essentiel qui est, rappelons-le au passage, le résultat d'un formidable travail... de centaines d'heures de lecture, d'écriture et de dépouillement d'archives : heures diurnes et nocturnes dont il aurait fallu faire la liste !
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