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vendredi 25 avril 2014

Un article en complément

Il n'y a pas que sur les médias du service public qu'on trouve de bons articles. Libé vient de mettre en ligne une invitation au voyage commémoratif qui vaut le détour.
Cet article du numéro du 18 avril s'intitule "Dans la Somme, en ordre de ballade". Il a été écrit par Edouard Launet "envoyé spécial dans la Somme".

Une photo du cimetière de Thiepval introduit à la lecture d'un papier posant a question du "tourisme" commémoratif, du Death Tour samarien :
"Se lever à 3 heures du matin pour se rendre à une cérémonie d’anciens combattants peut sembler une façon extrêmement singulière de commencer un week-end de balade (on n’ose dire : de tourisme). Et pourtant. Les lecteurs qui, le 25 avril un peu avant l’aube, seront présents au mémorial australien de Villers-Bretonneux, dans la Somme, pour célébrer l’Anzac Day, risquent de s’en souvenir pour le restant de leurs jours. Car les Australiens et les Néo-Zélandais (Anzac signifie Australian and New Zealand Army Corps) ont une manière originale de célébrer les morts au combat : ils le font en silence au moment où le soleil se lève. Pas besoin de venir des antipodes ni d’être un nostalgique de la Grande Guerre pour se prendre de plein fouet la vague d’émotion qui déferle alors avec les premiers rayons du soleil sur une assemblée de milliers de personnes. Car, oui, ce sont des milliers de gens que cette cérémonie pourtant bien éloignée du sol natal réunit ici chaque année depuis quatre-vingt-dix-neuf ans. (...)".

Bonne lecture

Une carte touristique de la Somme à éventuellement consulter, pour voyager en imagination

mercredi 23 avril 2014

Arte et France-Inter au rendez-vous de la Grande Guerre

Une nouvelle fois les chaînes publiques de radio et de télévision se démarquent de leurs concurrents. En proposant des programmes de grande qualité dans le cadre des commémorations.

Arte vient ainsi de créer un site dédié à la Grande Guerre, une "Machine à remonter le temps 14-18" qui permet au curieux de découvrir une trentaine de portraits. Un peu de tout.
Des soldats bien sûr, des deux bords. De simples troupiers de diverses origines ou bien des soldats incarnant les nouvelles formes de guerre, comme un aviateur, un prisonnier de guerre, un mutin exécuté pour l'exemple, ou encore quelques autres engagés remarquables comme Hans Dredow, cet Allemand ayant créé la première émission de radio pour les troupes dans les tranchées en 1917.
Mais les portraits sont aussi ceux de femmes et d'enfants, la foule des civils eux aussi jetés dans la guerre. Katharina Trefzer... morte de faim dans son asile. Un cycliste utilisant des roues à ressorts. Un vieil agriculteur contraint à utiliser des vaches pour tirer une charrue, à défaut d'avoir des chevaux blancs.

C'est par l'intermédiaire des dessins de Cyril Bonin qu'on remonte ainsi le temps et découvre ces pans de vie insolites ou effrayants.
Le site est très plaisant à consulter. Il faut le recommander à un très large public.


http://was-waere-wenn.14-tagebuecher.de/index
En complément, Arte.TV met en ligne un site d'actualités d'époque. Aujourd'hui la chasse à l'éléphant au Congo !
http://1914dernieresnouvelles.arte.tv/

Sur France Inter, Daniel Mermet vient de diffuser, mardi 23 avril, une émission consacrée aux passionnés qui s'efforcent de replonger physiquement dans l'époque non pas grâce à une machine à remonter le temps, mais en reconstituant des faits d'époque. C'est la living history venue des States... et fort bien acclimatée en France. Comme Valmy, les batailles de 14-18 ont leurs afficionados. Et l'investissement dans cette living history ne se limite pas à porter un costume bleu horizon, accroupi dans une tranchée fraîchement creusée au bulldozer. Cela se traduit par exemple par la mise au point de répliques assourdissantes de canons ou par la construction d'une "roulante" (fonctionnant au gaz pour plus de commodité... la fidélité historique ayant ses limites) ou même par le dressage d'un chien qu'on habitue aux coup de fusils pour en faire un porteur de nouvelles dans les tranchées !

Réentendre le son du canon ou goûter le rata des poilus ! Mais à quoi ça sert ? Pas à grand chose, vraiment! Une passionnée témoigne du mépris que certains professionnels de l'histoire lui vouent, à elle et aux autres doux dingues de son acabit... Mais il y a quelque chose de touchant dans cet effort pour faire revivre aujourd'hui des bribes du passé en voulant coller aux événements. Est-ce nostalgie ? Sans doute pas. Est-ce un loisir comme un autre ? Non plus ! Avec ironie, le site de Mermet la-bas.org présente le reportage de Charlotte Perry :
"C’est comme la pornographie, nous sommes contre mais nous sommes irrésistiblement attirés. C’est l’embouteillage pour reluquer l’accident de l’autre côté de la route, c’est la partouze vue des millions de fois sur un site porno. Aujourd’hui la partouze se démocratise, Patrick et Annick s’échangent entre amis le samedi soir dans leur pavillon de Romorantin. De même Jean-Pierre et Monique jouent à la guerre avec leurs copains. La bataille de Waterloo, le débarquement en Normandie, les tranchées de Verdun. Avec les costumes impeccables, les armes reconstituées, les chants, les cris, toute la mise en scène.
Les reconstitutions historiques font florès en France. Depuis longtemps aux États-Unis, la "living history", jeu de rôle grandeur nature, compte de nombreux passionnés. Bien sûr, les savants historiens méprisent ces mascarades d’amateurs. Tout comme l’esthète érotologue déplore la vulgarité du pornographe amateur. Que ces rapprochements intempestifs entre l’amour et la guerre ne blessent ni les uns ni les autres. Ici, nulle blessure d’amour, nulle blessure de guerre. Ici on joue. On joue à croire que jouer c’est déjouer. Apollinaire fit les deux, la guerre et l’amour, celle de 14 dans les tranchées et la pornographie la plus débridée. Il avoua cet inavouable. Ah Dieu ! que la guerre est jolie !
"
L'émission s'intitule "Ah dieu que que la guerre est jolie". On peut la retrouver en podcast :
http://www.la-bas.org/podcast.php3

Sur le site la-bas.org, elle a une petite bibliographie :

La Grande Guerre : le premier jour de la bataille de la Somme reconstitué heure par heure, une bande-dessinée de Joe Sacco (2014, aux éditions Futuropolis)

Calligrammes : poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916), de Guillaume Apollinaire (première parution en 1918 aux éditions Mercure de France)

Le roman inachevé, de Louis Aragon (1956, éditions Gallimard)

Et d'autres émissions anciennes sont proposées à la réécoute : "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels", "Craonne, sa chanson, ses mutins", "le général Mangin"...

dimanche 20 avril 2014

Rencontre avec la 1ère S du lycée Le Verger

Au début du mois de février, Jaques Dumora est intervenu devant une classe de Première scientifique du Lycée Le Verger de Sainte-Marie de La Réunion. C'était une première rencontre, pour faire connaissance, s'efforcer de partager une passion pour l'histoire des Réunionnais.
Depuis cette intervention réussie, le contact a été maintenu. L'équipe pédagogique du lycée est mobilisée ! Et l'association Centenaires commémoratifs pourra compter sur les jeunes du lycée pour l'aider à organiser des événements, prendre part activement au Centenaire. Bien d'autres rencontres pourront avoir lieu.

Photo Eric Lejoyeux

Voici sur le blog le texte d'un article du Journal de l'Île, écrit par Véronique Humel (journal du dimanche 9 février). Avec juste une petite coquille quant à la fonction de Jacques Dumora....

SAINTE-MARIE. Au lycée Le Verger, une classe de 1ère S a rencontré Jacques Dumora, président de l’association Centenaires commémoratifs. 100 ans après la guerre de 1914-1918, les élèves apprennent qu’un sergent de Sainte-Marie a commandé à Douaumont le régiment le plus décoré de France.

C’est l’un des noms les plus longs portés par un combattant français de la guerre de 1914-1918. Le sergent "De Pindray de Sainte-Croix d’Ambelle de Tusie", enfant de Sainte-Marie à La Réunion, commandait le régiment d’infanterie coloniale du Maroc et fait partie des braves qui ont repris le fort de Douaumont aux Allemands en octobre 1916. "Il commandait le régiment le plus décoré de France", commente fièrement Jacques Dumora, président de l’association Centenaires commémoratifs, face à une classe de 1ère S du lycée Le Verger (Sainte-Marie). Animateur socio-culturel et passionné par l’histoire de la première guerre mondiale, M. Dumora projette des diapositives de cartes de l’Europe de 1914 à 1918, et explique que 15.000 Réunionnais sont partis se battre, dont un peu moins de 1500 sont répertoriés "Morts pour la France". Un lycéen questionne : "Vous avez dit que la plupart des Réunionnais de l’époque étaient illettrés. Comment pouvaient-ils recevoir des lettres de leur famille dans les tranchées ?" L’intervenant rappelle le fonctionnement de la poste, l’existence d’écrivains publics à La Réunion et la fraternité des tranchées, où les soldats lisaient et écrivaient les lettres pour leurs camarades illettrés. Une élève est intriguée : "Vous avez dit que La Réunion est l’une des plus vieilles colonies françaises. Dans ce cas pourquoi n’est-elle jamais citée dans les documents ?" Jacques Dumora répond : La Réunion a toujours été marginalisée, contrairement à Madagascar, considérée comme le grenier de la République, ce qui lui garantissait un intérêt maximum.

Dans ce cours d’Histoire pas comme les autres, la Grande Guerre est vue d’une manière peu conventionnelle. La séance a commencé par les présentations : l’élève Damien Boyer a ainsi appris qu’il était l’homonyme d’un soldat sainte-marien mort un 9 décembre en Macédoine et enterré au cimetière de Bitola. "Et moi je suis né un 8 décembre" réagit Damien, étonné de cette coïncidence. Sans savoir s’il a un lien de parenté avec le défunt.
Avant l’intervention de Jacques Dumora, les lycéens ont eu une heure de cours plus classique avec leur professeur d’histoire-géographie Patrick Mougenet. En 1ère, on dépasse la simple mémorisation des dates et des lieux : "L’histoire de la Grande Guerre a beaucoup changé au lycée", explique M. Mougenet. "Il y a maintenant un regard plus anthropologique. On essaie de comprendre comment ces soldats ont pu tenir malgré la violence". Pourquoi faire intervenir le président de l’association Centenaires commémoratifs ? "Parce que c’est un passionné, et que moi aussi je suis passionné par l’histoire de la Grande Guerre", sourit M. Mougenet. Alors que l’année 2014 marquera le début d’une série de commémorations de la Grande Guerre, MM. Mougenet et Dumora ont anticipé. Ils sont en train d’organiser plusieurs évènements, avec notamment Marc Michel (spécialiste de l’Afrique dans la guerre) et Nicolas Hoffenstadt (enseignant à l’université de Paris I). En 2014, les élèves réunionnais ne pourront vraiment pas méconnaître l’époque de 14-18.

A retrouver sur Clicanoo.




samedi 19 avril 2014

Verdun, une mémoire debout


Catherine Panot-Contenot a dédicacé samedi dernier à la Librairie Gérard de Saint-Denis son livre consacré à la mémoire de la Grande Guerre. Nous l'y avons rencontrée, prenant l'occasion d'échanger quelques propos sur les commémorations à venir.

Le livre présenté s'intitule Verdun, une mémoire debout. Il a été écrit à quatre mains, fruit d'un échange épistolaire entre Catherine Panot-Contenot alors documentaliste détachée au Centre mondial de la paix de Verdun, dans la Meuse, et Jean-Louis Marteil, écrivain mais aussi directeur littéraire des éditions La Louve, à Cahors, dans le Lot. C’est le troisième livre de la collection «Terre de mémoire» qu'il dirige.

Ce petit livre (93 pages) apparaît donc comme le produit d'une rencontre préméditée, à la fois précédée et prolongée par le temps de la réflexion que permet l'écrit. L'amitié y transparaît, avec en particulier le soin que met chacun à poser à l'autre des questions, à encourager une appropriation des lieux, à désigner des pistes de discussion pouvant opérer un rapprochement des sensibilités.
L'objet du livre est le lieu même en temps que lieu chargé de mémoire historique. Lieu sans frontières fixes, aux contours mouvants : la ville de Verdun avec son centre, son château, sa gare, et tous les environs, Les Eparges, les forts, la zone rouge, mais aussi la « voie sacrée » devenue route nationale ou d'autres zones de combat, comme les tranchées de Vauquois.
Ce qui est interrogé constamment, dans chacune des trois parties, c'est le fantôme de la guerre en ces divers endroits. Un siècle plus tard, la guerre n'est plus là sauf à l'état de traces, de ruines, d'obus accidentellement déterrés. Et pourtant elle continue à régner sur les paysages. Elle est lointaine et proche à la fois. Elle contribue à donner un sens singulier, peut-être même une valeur aux lieux, parce qu'elle a disparu en laissant derrière elle une énigme et que chacun est poussé à se demander pourquoi. Pourquoi ici la violence des hommes s'est-elle déchaînée ?
Pourquoi ici les belligérants se sont-ils affrontés au prix d'atroces souffrances ?
Pourquoi la guerre a-t-elle choisi Verdun pour y semer ses morts, pour y dévaster toute forme de vie ?

C'est donc moins un livre d'histoire que de géographie. L'histoire est présente bien sûr. Elle est évoquée précisément. Pensant à ses deux grands-pères qui ont fait la guerre, Catherine Panot-Contenot restitue ce que pouvait être le vécu de la guerre . Elle le fait en proposant à notre lecture deux lettres imaginaires qui auraient pu être écrites le 21 février 1916 par un poilu, au cœur de la désolation, au tout début des trois cents jours et des trois cents nuits de sacrifice qui forment maintenant pour nous la bataille de Verdun. Pour sa part, Jean-Louis Marteil rencontre l'histoire telle qu'elle est aujourd'hui présentée, muséifiée dans la Citadelle, ou un peu plus tard en achetant Ceux de 14 de Maurice Genevoix. Comment l'histoire pourrait-elle ne pas être là, à Verdun ? Pour le visiteur de l'ossuaire de Douaumont ou pour celui qui lit tout à coup sur un panneau « Côte 304 », « Le Mort-homme » ?
Mais la guerre n'est plus en ces lieux d'histoire. Elle s'est retirée, comme la marée peut-être... à « Verdun-sur-Mer »... c'est-à-dire Verdun devenu lieu touristique, centre de pèlerinage scolaire, mausolée doté d'une abondante statuaire et de calvaires.

La géographie à laquelle nous convie Catherine Panot-Contenot est plutôt celle d'excursions poétiques. Un paysage de neige suscite une attitude rêveuse ; les balises d'un club de randonnée indiquent le bon chemin jusqu'à ce qu'elles disparaissent mystérieusement ; le muguet dans les sous-bois convoque l'idée d'une chance qu'il suffirait de cueillir et de porter sur soi pour être protégé. Tout cela permet la réminiscence. A-t-il neigé sur Verdun en guerre, et si oui, à quoi rêvaient les soldats ? Hier, les arbres étaient également marqués par les hommes, mais avec des fragments de mitraille déchiquetant les troncs, n'épargnant rien ni personne... Comment le printemps 1916 a-t-il été vécu alors que tout espoir était mort et enseveli sous les obus ?
« Lorsque leurs pas empruntaient les mêmes chemins, songeaient-ils, les soldats de 1916, à cueillir la fleur porte-bonheur, le jour du premier mai , la conservaient-ils pieusement dans une lettre, en croyant très fort en son pouvoir de protection ? Oui, sans doute en ont-ils cueilli, respiré, comme nous, et envoyé à leurs amoureuses des petits brins de plaisir si simple et si doux... des trous d'obus, cratères encombrés de branches et de feuilles mortes, vallonnent doucement le sous-bois. Dans l'un d'eux, les branches semblent disposées régulièrement comme au fond d'un nid, d'un nid géant où est peut-être couché quelque jeune homme qui ne demandait qu'à rester debout quand s'est abattu sur lui, venant du ciel, un épervier de métal ardent. »

Jean-Louis Marteil répond à cette invitation de parcourir les lieux tels qu'ils sont devenus. De temps en temps, le souvenir du Dormeur du val ou bien de ce qu'il connaît très bien, Oradour-sur-Glane par exemple, vient se confondre avec le réel, lui donner plus de relief. Mais ce qui s'impose c'est bien le plat, la platitude à la fois étrange et normale d'un coin de France redevenu très tranquille où il fait bon faire du vélo, en touriste !
« Cet endroit est beau. Le soleil filtre entre les branches, projette au sol des dessins qui s'efforcent de concurrencer ceux des racines. Drôle d'embrouillamini. J'ai peine à l'imaginer : ce lieu est le même que celui aperçu sur une photo ancienne. En 1916, ici, pas un arbre, les racines avaient été englouties dans un magma de terre et de sang. Rien ne permettait de se repérer. Seulement, aujourd'hui, les arbres masquent les trous d'obus.
Je rejoins la voiture. Bizarrement agacé, troublé, je sais que je vais rouler plus vite. Et du coup arriver plus vite au fort. J'y pense, tout est à l'horizontal, ici, sauf les monuments qui eux se dressent tels d'énormes sexes inquiétants. Oui, sur le champ de bataille de Verdun on visite au niveau des yeux, voire en dessous. Tout rampe au sol, pour mieux se protéger des tirs : tranchées, boyaux, casemates, forts. Le fort... pour moi qui aime et connaît bien le Moyen Âge, ce « château » est surprenant. Plat. Recroquevillé comme un géant têtu qui rentrerait à toute force sa tête dans ses épaules. N'offrant aucune prise. C'est qu'il en a reçu des coups sur la tête ! Pourtant, à sa manière, il domine lui aussi, comme ses ancêtres du XIIIe siècle. Son emplacement a été choisi. »

Il n'y a aucune prétention dans ce livre. Comme dans une conversation plaisante, des connaissances sont mobilisées, aussi bien l'étymologie du nom Verdun que le nom des rues, quelques détails architecturaux, le lieu où est tombé le premier obus, la réalité de la verdunisation, mais devenir savant n'est pas le but. Des réflexions et des émotions sont partagées. Librement. Même s'il y a un « travail » de la plume pour les restituer aussi fidèlement que possible. On peut donc lire ce livre comme une modeste invitation au voyage commémoratif. Et c'est très bien.

Laissons la parole une dernière fois à Catherine Panot-Contenot pour l'interrogation qu'elle nous transmet finalement :
« Voilà. Pour en terminer, je voulais te rappeler un lieu dont je t'ai parlé et où nous ne sommes pas allés. C'est un petit étang tout tranquille, enfoui au creux d'un vallon, coincé entre deux routes et de hauts arbres. Très proche, une simple stèle rappelle qu'un jeune aviateur de 25 ans, par un beau jour de juin 1916, a pu voir son engin se refléter un instant, feu dans les eaux sombres de l'étang de Vaux, paisible miroir de sa chute enflammée... Les fantassins eux, hommes-taupes enterrés vivants des tranchées, assistaient, passifs, comme conviés à un divertissement inouï, aux évolutions des gros insectes bourdonnants qu'étaient les aéros en combat aérien. La terre de Verdun a vu de près comment de nouvelles inventions pouvaient devenir des engins de mort sur le théâtre d'une bataille : c'est ici que l'aviation de guerre a déployé pour la première fois ses ailes entoilées et les formes étranges des ballons, saucisses et autres objets volants...
C'est donc cela qui fera le lien final entre ma peur « historique » de la boucherie de Verdun et mes peurs d'aujourd'hui.
Au début d'une nuit de mars 2003, à peu près quatre-vint ans après la bataille, j'ai ressenti fortement la menace, lors du passage trop bas au-dessus de ma tête des lourds bombardiers anglais, au ronflement sourd, qui survolaient Tilly et la Meuse en une longue file continue, pour s'en aller faire la guerre en Irak. Quoique faisant partie de ces générations bien-heureuses qui n'ont jamais connu dans leur chair les bombardements, j'ai senti ma peau se hérisser d'une froide et indicible vague de terreur, à l'idée que la Guerre allait encore tuer, là-bas... »

Très bonne lecture à tous. En espérant que nous nous retrouverons tous pour une conférence consacrée à Verdun ou alors à un des thèmes qu'illustre très bien Verdun, une mémoire debout, les hauts lieux de notre culture, le passage de la mémoire à l'histoire, la possibilité d'une implication personnelle dans la transmission de ce que les victimes de la guerre ont enduré, la violence diabolique des armements modernes et la capacité de résilience des terres et des peuples.  

mercredi 16 avril 2014

La tombe de Marius

Où sont enterrés les soldats réunionnais "Morts pour la France" ?

En métropole pour la plupart. Dans les grandes nécropoles nationales mais aussi dans les carrés militaires de certaines communes. Le Code des victimes de guerre leur accorde une sépulture à perpétuité entretenue par l'Etat afin que la mémoire de leur sacrifice ne soit pas oubliée. Certaines tombes sont à l'étranger, à Madagascar, lieu de regroupement des troupes coloniales de l'Océan Indien, en Turquie, où des combats violents ont eu lieu.
Le principe de la tombe individuelle est appliqué dans ces lieux de mémoire, même s'il existe des sépultures communes pour les restes mortels de soldats qui n'ont pas pu être identifiés. Ce qui n'a pas été rare dans le cas de la Grande Guerre, les obus ayant fait des ravages parmi les troupes combattantes.

Le site d'une des 260 nécropoles nationales, en Alsace, à Orbey :
http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/fr/resultcommune.php?pays=France&insee=68249&dpt=68&idsource=36182&table=bp06
Une carte postale ancienne représentant l'entrée de la nécropole :
http://www.memorial-genweb.org/~cpa/com_mgw.php?releve=36182&insee=68249&dpt=68&comm=Orbey

La base "Sépultures de guerre" permet de faire des recherches et de retrouver le lieu où repose un soldat tué durant la première guerre. Avant la numérisation et la constitution de cette base de données existait un système de fiches cartonnées comportant d'inévitables erreurs, en particulier dans l'orthographe des noms propres.
Mais en s'adressant à l'ONAC, il est possible de rectifier les erreurs commises dès lors qu'on les repère. Il est même possible de changer un nom mal orthographié sur une tombe d'un Mort pour la France.
Dans ses recherches pour recenser les Réunionnais tombés au champ d'honneur, Jacques Dumora a découvert quelques anomalies. Des courriers ont alors été envoyés aux mairies des cimetières concernés pour vérifier l'attribution des tombes.

Voici le cas de la tombe de Marius. Marius Dijoux. Or sur la tombe son nom est orthographié "Marius Dejou".

Alerté par courriel, le service municipal de la ville de Montpellier a immédiatement réagi. Et bientôt le nom va être changé. Il n'y aura presque rien de modifié, à vrai dire. Une plaque neuve qui remplace une plaque plus vieille. Mais dans cet effort minuscule pour redonner à Marius Dijoux son véritable patronyme sur la tombe qui contient son corps se joue quelque chose d'autre qui a à voir avec la reconnaissance que les vivants doivent aux morts. Quand il est possible de rectifier une erreur, aussi petite soit-elle, cela vaut le coup de le faire.
Les traces du passé sont de plus en plus rares. Elles s'érodent chaque jour qui passe. Nous y prêtons peu attention, ordinairement. Les commémorations sont toutefois l'occasion de retrouver ce passé, de le mettre en récits en rappelant qui furent les hommes qui ont participé à ces événements, et qui furent ceux qui ont été sacrifiés.
Il apparaît alors indispensable de changer un nom sur une tombe dans un carré militaire.

Merci à la ville de Montpellier pour son aide. Et aux autres villes qui souvent répondent très rapidement, elles aussi, à ce genre de demandes venues de l'Outre-mer. Et merci à Jacques pour cette intervention effectuée bénévolement, dans l'ombre ! Intervention rendue possible par un patient travail réalisé en amont, depuis trois ans, son labeur de collecte et de vérification systématique des archives.

Un dernier lien. C'était hier, en 1932, l'inuguration de l'ossuaire de Douaumont :
http://crdp.ac-amiens.fr/historial/expo2003_1/exposition_fiche_douaumont.htm



dimanche 13 avril 2014

La semaine de la Grande Guerre

Fin avril aura lieu dans le département le premier grand événement organisé par le Rectorat de La Réunion, sous l'égide de la Mission Centenaire, pour commémorer le centenaire de 14-18 : la Semaine de la Grande Guerre.

Le mercredi 23 avril auront lieu des spectacles en langues étrangères présentés par des élèves de collèges et lycées à Lespas Leconte de Lisle à Saint Paul :
  • en allemand, spectacle des élèves de la section ABIBAC du lycée Leconte de Lisle encadrés par Ortwin Ziemer
  • en anglais, spectacles des élèves des collèges du Bernica (Le Guillaume) et du Chaudron (Saint Denis), élèves des lycées Evariste de Parny (Saint Paul) et Lycée Lislet Geoffroy (Saint Denis)
D'après le programme officiel, le vendredi 25 se tiendra une demi-journée particulièrement riche réunissant les membres de la Mission et les délégations de classes se lançant dans la commémoration. Doivent avoir lieu trois présentations :
  • de travaux universitaires sur La Réunion et les Réunionnais dans la Grande Guerre par des enseignants chercheurs
  • des résultats de la Grande Collecte par l'association Slamlakour
  • des travaux de recherche de l'ONAC sur les soldats mobilisés dans l'océan Indien et morts pour la France.
Pour d'autres détails, il faut consulter la page suivante :
http://www.ac-reunion.fr/academie/evenements/commemoration-grande-guerre.html

Le spectacle de la section ABIBAC du lycée Leconte de Lisle sera donné aussi à Saint-Denis au Palaxa, le lundi 28 avril à partir de 13H30. L'entrée sera ouverte à tous, la place ne manquant pas. Nous en reparlerons bientôt.

Soulignons au sujet des présentations de travaux historiques anoncés qu'une certaine confusion demeure. Par exemple, il ne faut pas nier la difficulté d'établir un recensement des soldats morts pour la France, pour chaque département, La Réunion y compris. Un travail patient dans les archives est nécessaire afin de relever les doublons, les fautes d'orthographe sur les noms, les lacunes dans les listes. Et il ne faut s'attendre qu'à des résultats lacunaires, révisables au prix de plus d'efforts encore. Jacques Dumora a entrepris un tel labeur. Et l'association Centenaires Commémoratifs publiera en juin les résultats de ces travaux.
Lors des célébrations du 11 novembre dernier, un historien péi s'était adressé à la population avec des propos très discutables : un nombre de morts dans les combats qui est farfelu (3000 tués), des affirmations erronées sur les soldats réunionnais tous dans les rangs des tirailleurs sénégalais...
http://reunion.orange.fr/news/reunion/les-reunionnais-sont-partis-defendre-le-paradis-ils-ont-connu-l-enfer,686014.html
Désormais, il faut faire attention à respecter l'histoire... La mémoire des hommes ne pourra qu'y gagner.

Pour terminer, voici quelques liens  pour suivre les commémorations organisées par l'Eduction Nationale.
     Sur Eduscol, site national, la page consacrée à la commémoration de la Grande Guerre :
http://eduscol.education.fr/cid72380/commemoration-du-centenaire-de-la-premiere-guerre-mondiale.html
On y trouve un rappel de l'enjeu pédagogique de la célébration de 14-18. Et en fin de page une liste de ressources pour le curieux, comme les sites "Mémoire des Hommes" ou "Chemins de la mémoire", les associations "Itinéraires de citoyenneté" ou "fédération André Maginot". Sans oublier les institutions comme l'Office National des Anciens Combattants ou bien Éduc@déf.
    La page du site académique consacrée à l'organisation du centenaire :
http://www.ac-reunion.fr/education-artistique-et-action-culturelle/domaine-artistique-et-culturel/patrimoine0/grande-guerre.html